ComplémentsMozart, saint Jean Bosco et sainte Thérèse à Notre-Dame des Victoires.
Mozart (1756-1791) habita une année rue du Sentier, à deux pas de l’église. Il est souvent venu réciter son chapelet dans les périodes d’épreuves personnelles et familiales comme sa correspondance en témoigne : « Quand je viens à Paris, je ne manque jamais pour dire mon chapelet de me rendre à Notre-Dame des Victoires. »
Saint Jean Bosco viendra y célébrer la messe le 28 avril 1883. Pendant la célébration, il aura une vision du jeune défunt Louis Colle lui affirmant : « C’est ici la maison des grâces et des bénédictions. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face (1873-1897) aurait-elle fait de sa vie un seul acte d’amour et d’intercession pour les pécheurs sans Notre-Dame des Victoires ? À 10 ans, atteinte pendant de longues semaines par une maladie au point de décourager le médecin de famille, la petite Thérèse Martin recouvre cependant la santé. C’était le 13 mai 1883, au terme d’une neuvaine célébrée pour elle à Notre-Dame des Victoires. Elle écrira : « Il fallait un miracle pour me guérir et c’est Notre-Dame des Victoires qui le fit. » Quatre ans plus tard, le 4 novembre 1887, alors qu’elle s'apprête à partir pour Rome avec son père, la future carmélite vient prier à Notre-Dame des Victoires où elle ressent avec intensité l'amour et la protection de la Sainte Vierge. « Ah! Ce que j’ai senti à ses pieds, je ne pourrais le dire... » Elle a alors 15 ans.
Le pape Pie XI, voulant signifier l’importance de ce haut-lieu spirituel, donna à cette église le titre de « basilique mineure » en 1927, deux ans après la canonisation de celle que l’on appelle désormais « la plus grande sainte des temps modernes ».
Les dons à Notre-Dame des Victoires.
À partir de 1843, des décorations et des objets militaires sont notamment régulièrement offerts à Notre-Dame des Victoires. Un registre tenu de 1913 à 1930 relève fidèlement la liste des dons. Ceux-ci, très fréquemment anonymes, témoignent le plus souvent de la reconnaissance pour une vie préservée, de la réalisation d’une promesse, des décorations d’un fils ou d’un mari mort au combat. Ils évoquent tous les conflits, depuis les guerres de Crimée, du Mexique, du Tonkin... Mais ils concernent plus particulièrement la Première Guerre mondiale. Une plaque de bronze émaillée rappelle cette période. Elle a été offerte par des associations militaires et bénie par l’évêque du diocèse aux armées le 31 mai 2006.
L’archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires, œuvre spirituelle et sociale.
Depuis le Moyen Âge, une confrérie est un groupement de baptisés, clercs et/ou laïcs, reconnue par l’Église, placée sous le patronage de la Vierge ou d’un saint, au sein d’une paroisse, cathédrale, sanctuaire… Elle constitue une aide spirituelle et matérielle pour ses membres : temps de prière, messes, pèlerinages, funérailles, scolarisation, aide alimentaire, etc. Lorsqu’une confrérie possède une influence importante, on parle d’archiconfrérie. Le 30 août 1832, l’archevêque de Paris, Mgr De Quelen, nomme l’abbé Charles Desgenettes curé de la paroisse de Notre-Dame des Victoires, pour aider les victimes du choléra frappant alors Paris. Âgé de 54 ans, hostile à la Révolution française, cet ancien curé des Missions étrangères (1819), n’imagine pas que son zèle apostolique porterait des fruits exceptionnels.
Au début, légèrement désabusé, il célèbre sa première messe devant une quarantaine de fidèles. Le mois suivant, une seule paroissienne assiste à la messe dite en mémoire de son prédécesseur !
Le découragement le submerge peu à peu. Il demande sa nomination ailleurs. L’archevêque refuse. Le 3 décembre 1836, Dieu intervient. Ce jour-là, le curé célèbre l’Eucharistie devant une poignée de fidèles. Il se sent envahi par le doute. Soudain, il entend ces mots : « Consacre ta paroisse au très saint et immaculé Cœur de Marie. » Après la célébration, de retour dans la sacristie, il perçoit les mêmes paroles une seconde fois.
Surpris de la lumière envahissant son cœur, il se met à rédiger les statuts d’une association en l’honneur du Cœur de Marie. Il en fixe le but : « Obtenir de la divine miséricorde, par la protection et les prières de Marie, la conversion de tous les pécheurs. » C’est mot-à-mot la formule lumineuse de saint Louis Grignion de Montfort : « À Jésus par Marie. »
Le 10 décembre suivant, à son étonnement, Mgr De Quelen approuve le projet d’association. Le jour suivant, le Père est stupéfait : 400 personnes assistent à la prière organisée pour la réalisation de son projet : une affluence inconnue en ce lieu depuis des années. Au terme de cette cérémonie, l’abbé demande un « signe » qui attesterait l’origine surnaturelle de la confrérie : la conversion d’un paroissien, Étienne Joly de Fleury, ancien ministre de Louis XVI, athée notoire. Le jour suivant, le prêtre lui rend visite. Contre toute attente, Joly demande une bénédiction à l’abbé et avoue qu’il se sent désormais en paix ! Son interlocuteur n’en revient pas.
La confrérie est fondée le 12 janvier 1837. Une semaine plus tard, elle compte déjà 96 adhérents. En mars, Dom Prosper Guéranger, le Provincial des Franciscains, et d’autres célébrités l’ont déjà rejointe. En mai 1839, elle regroupe 7 942 adhérents, dont des Suisses, des Anglais, des Belges… En 1843, Jean-Marie Vianney, curé d’Ars, y adhère discrètement… Suivront notamment la bienheureuse Anne-Marie Javouhey (+ 1851), le Vénérable Emmanuel d’Alzon (+ 1880), fondateur du journal La Croix, saint Jean Bosco (+ 1888), Louis et Zélie Martin, leur fille, sainte Thérèse de Lisieux, venue dans les lieux en 1887.
Le 24 avril 1838, un Bref de Grégoire XVI érige cette confrérie du « Cœur de Marie » en archiconfrérie à perpétuité. Les mois suivants, l’abbé Desgenettes rédige le Manuel de l’archiconfrérie puis les Annales de Notre-Dame des Victoires. Ces deux textes assurent une large diffusion de l’archiconfrérie dans l’Église de France. En 1854, le Manuel en est déjà à sa 15e édition ! L’abbé Desgenettes reçoit des personnalités diverses, comme le missionnaire François Libermann (Juif converti, fondateur de la Congrégation de la Société du Saint-Cœur de Marie), Théodore Ratisbonne (autre Juif converti, fondateur de la congrégation de Notre-Dame de Sion) en 1843, Lacordaire, le célèbre prédicateur dominicain, en 1844.
Le 9 juillet 1853, la statue de Notre-Dame des Victoires est couronnée par les soins de Mgr Paca, nonce apostolique, en présence de représentants des autorités françaises civiles et religieuses, françaises et romaines. L’abbé Desgenettes meurt le 5 avril 1860, à 82 ans. À cette date, 825 000 fidèles ont rejoint l’archiconfrérie et 13 265 associations catholiques sont affiliées à la paroisse de Notre-Dame des Victoires.
Le 8 mai 1860, l’abbé Chanal, ancien curé aux Invalides, succède à l’abbé Desgenettes. La popularité de l’archiconfrérie est alors exceptionnelle. Selon un rapport établi en 1866 pour l’impératrice Eugénie, 9 000 à 10 000 personnes fréquentent chaque jour l’église du faubourg Saint-Honoré ! Cette année-là, l’abbé Dumax, sous-directeur de l’archiconfrérie, comptabilise 4 500 messes célébrées en ce lieu !
La défaite française face à la Prusse (septembre 1870) et la Commune de Paris (mars-mai 1871) manquent de porter un coup fatal à Notre-Dame des Victoires. Le 17 mai 1871, des soldats révolutionnaires encerclent l’église, considérée comme propriété de la Commune. La paroisse est envahie ; on évacue les fidèles présents et on emporte ornements et mobilier liturgiques. On défonce les caveaux à coups de pioche. On met la main sur le « trésor » de l’archiconfrérie : 250 000 francs, composé de monnaie, titres de rente, ciboires, calices et divers bijoux.
Le lendemain, un autre bataillon, composés d’adolescents défavorisés, retire les ossements des cryptes que l’on entasse au-dehors jusqu’à former une pyramide. On joue aux boules avec les crânes. La châsse de sainte Aurélie est ouverte ; son chef en cire est planté sur une baïonnette. Le lendemain, le 125e bataillon extirpe la dépouille de l’abbé Desgenettes de son cercueil, arrache sa tête puis plante celle-ci aussi au sommet d’une baïonnette aussitôt exhibée place des Petits-Pères. Le 20 mai, le 152e bataillon achève le « travail ». L’édifice échappe de peu à un incendie volontaire. Les Versaillais libèrent les lieux le 24 mai 1871. Le culte y est à nouveau célébré le 3 juin, mais l’abbé Chanal, très affecté, démissionne. Pendant plusieurs mois, la paroisse reste sans pasteur ; puis en mai 1872, le Père Louis Chevojon s’y installe. Il sera un animateur remarquable de l’archiconfrérie et le fer de lance de la restauration de l’église. Il cède sa place à son tour au Père Rataud, en fonction jusqu’en 1908, dont l’apostolat auprès des familles démunies fait de l’archiconfrérie un centre social important de la capitale. En 1909, 1 700 repas sont distribués chaque semaine.
Dès 1872, l’abbé Chevojon chiffre à plus de 30 millions le nombre d’associés de l’archiconfrérie sur les cinq continents. En 1914, ce chiffre atteint les 40 millions. Le 12 mars 1927, Pie XI érige Notre-Dame des Victoires en basilique mineure. La cérémonie est présidée par le cardinal-archevêque de Paris, Mgr Dubois.
Au début de 1932, l’abbé Jourdain (+ 1961) est nommé curé. Il reste presque 30 ans ; il y ouvre deux écoles, des patronages, et même un club de gymnastique. Le succès mondial de l’archiconfrérie ne se dément pas. Du 6 au 13 décembre 1936, les fêtes célébrant son centenaire sont présidées par le nonce apostolique et le cardinal Verdier. En août 1939, le quotidien Paris-Midi évoque les lieux comme « le sanctuaire de notre espérance ». En cette année tragique pour l’Europe, 5 826 messes y sont dites. À la Libération (le 1er septembre 1944), le général de Gaulle assiste à la messe célébrée en la mémoire des parisiens tués pour la libération de la capitale. Les bouleversements et les évolutions de l’après-guerre, le concile Vatican II, la sécularisation de la société occidentale n’épargnent pas l’archiconfrérie, du moins au plan national. Le nombre de ses adhérents ne progresse plus. Mais au plan international, elle jouit toujours d’une grande ferveur. En 1987, on compte quelque 36 000 ex-voto dans l’église.
En 1983, les Servites de Marie, fondées au XIIIe siècle, s’y installent. Elles sont remplacées en 1993 par les Bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre, fondées en 1898. Le nouveau curé, le Père Bernard Mollat du Jourdin, fait réaliser un autel sur lequel sont représentés l’abbé Desgenettes, sainte Thérèse, les frères Théodore et Alphonse Ratisbonne, etc.
En 1986, pour le 150e anniversaire de l’archiconfrérie, des personnalités de premier plan marquent les lieux de leur présence (Jean Vanier, le cardinal Suenens, le cardinal Lustiger, etc.). En 1998, l’abbé Pierre choisit l’endroit pour célébrer ses 60 ans de sacerdoce. Sensible à la pastorale des familles, l’abbé Hervé Soubias, curé paroissial, inaugure le 16 janvier 2012 une chapelle bâtie en l’honneur de Louis et Zélie Martin, béatifiés par Jean-Paul II en 2008 et canonisés en 2015.