Le R.P. Sevin en quelques mots. Né le 7 décembre 1882 à Lille (Nord), Jacques Sevin, est l’aîné d’une famille de sept enfants. Baptisé le lendemain en l’église Notre-Dame de Consolation, il est consacré à la Vierge Marie dont enfant il portera les couleurs bleu et blanc. Après des études à Amiens (Somme), il devient novice jésuite. Passionné de poésie, il écrit des vers qui révèlent son grand amour de la Vierge Marie et son attachement au Cœur de Jésus. En 1901, il doit quitter la France en raison des lois contre les congrégations et poursuit ses études en Belgique. Il y est ordonné prêtre le 2 août 1914 et reste dans ce pays jusqu’en 1919, le déclenchement de la Première Guerre mondiale l’empêchant de revenir en France. Le R.P. Sevin va jouer un rôle essentiel dans l’organisation du scoutisme catholique en France jusqu’à sa mise à l’écart de la direction des Scouts de France en mars 1933 en raison de divergences de vues. Il se retire alors avec dignité de ce qui a été la première œuvre de sa vie. Malgré la meurtrissure, il lui restera d’une fidélité absolue sans jamais la critiquer. En 1944, il crée la seconde œuvre de sa vie, une congrégation religieuse féminine très inspirée du scoutisme et dévolue à l’éducation : la Sainte Croix de Jérusalem, installée à Boran-sur-Oise (Oise). C’est là qu’il meurt le 19 juillet 1951 et qu’il est enterré.
Le R.P. Sevin, un fondateur. Le R.P. Sevin est l’un des principaux organisateurs des Scouts de France qui se développent rapidement à travers toute la France à partir de juillet 1920. Il organise leur structuration en publiant divers manuels, mais surtout en mettant au point leurs textes fondateurs. C’est ainsi qu’il adapte le texte de la loi scoute de Baden-Powell en dix articles, résumé des valeurs morales du scoutisme sur lequel le scout s’engage lors de sa promesse : « Le scout met son honneur à mériter confiance, le scout est loyal… » Le Père Sevin introduit la référence à Dieu dans la loi scoute et complète le texte initial de la promesse scoute par la référence à l’Église. Il y ajoute trois principes : « Le scout est fier de sa foi, le scout est fils de France, le devoir du scout commence à la maison. » Il « sacralise » en quelque sorte le scoutisme de Baden-Powell en lui donnant une forte identité catholique.
De nouveaux symboles. Le R.P. Sevin contribue également à créer l’imaginaire des Scouts de France. Il dessine leur insigne : une croix de Jérusalem chargée d’une fleur de lys. Elle renvoie à la fois à la chevalerie – le scout des années 1920 et 1930 est vu comme un chevalier contemporain – mais aussi à l’universalité du Salut du genre humain, aux quatre coins du monde, symbolisés par les quatre branches de la croix. Les nombreux chants qu’il écrit contribuent aussi à structurer l’imaginaire du scoutisme catholique. Les plus connus sont le Chant de Promesse et le Chant des Adieux. Bien d’autres, tels le Cantique des patrouilles, la Légende du feu ou Chamarande marqueront profondément les esprits.
Un livre de référence. En 1922, le R.P. Sevin publie son principal ouvrage : Le scoutisme. Celui-ci démontre d’abord son excellente connaissance du scoutisme de Baden-Powell. Le Père Sevin qui parle anglais est allé le rencontrer en Grande-Bretagne dès 1913. Les notes de bas de page de son livre comprennent de multiples références aux ouvrages de Baden-Powell. Ce dernier dira d’ailleurs, pendant un congrès, que « la meilleure réalisation de sa propre pensée venait d’un religieux français ». Le R.P. Sevin explique longuement comment le scoutisme peut parfaitement s’intégrer dans le monde catholique. Il contredit habilement les multiples critiques nées en son sein depuis 1911, telles les accusations de naturalisme, de lien avec la franc-maçonnerie, de pratique de la religion de l’honneur ou de panthéisme. Il affirme que la loi scoute est « l’âme du scoutisme », que le système des patrouilles est son pivot et que la vie en plein air est une nécessité absolue. Le R.P. Sevin ne se contente pas d’écrire sur le scoutisme, il l’a mis en pratique dès 1917, alors qu’il était en Belgique, en organisant une troupe de scouts catholiques à Mouscron avec Léon Maes. Ses écrits sont donc aussi le fruit de sa pratique personnelle.
Le R.P. Sevin, un formateur. Le Père Sevin insiste sur l’importance de la formation des cadres du scoutisme. Dès 1923, il installe au château de Chamarande (Essonne), un camp de formation pour les chefs scouts, à l’image de celui installé par Baden-Powell dès 1919 en Grande-Bretagne à Gilwell. Le Père a compris que la formation des cheftaines et des chefs, sous forme de « camp-école » d’une semaine, était l’une des principales clés de la réussite. Cheftaines et chefs vivent en camp, sous la tente, pratiquent des activités de scoutisme et réfléchissent à leur rôle d’éducateur. C’est dans ce « camp-école » de Chamarande, dirigé par le R.P. Sevin lui-même jusqu’à sa mise à l’écart en 1933, que des milliers de jeunes se formeront pour assurer le succès des Scouts de France. Ce système qui continua après le départ du jésuite fonctionne encore aujourd’hui. Les Scouts et Guides de France utilisent ainsi le terme de « Cham » pour désigner l’une de leurs plus importantes formations de cadres. Ce modèle de formation sera d’ailleurs repris par de nombreuses associations scoutes catholiques dans le monde.
Le R.P. Sevin, un précurseur. Si le Père Sevin a été l’un précurseur par son action chez les Scouts de France, il l’a été aussi dans d’autres domaines. Dès 1927, il est ainsi l’un des premiers en France à envisager la création de troupes scoutes pour les handicapés physiques. Celles-ci démarrent à Berck (Pas-de-Calais) dans les sanatoriums accueillant de jeunes paralysés. En 1928, il est l’un des pionniers du dialogue interreligieux en encourageant vivement l’action de Robert Gamzon (1905-1961) dans la création des Éclaireurs Israélites de France (EIF), le mouvement de scoutisme juif. De même dès 1948, le R.P. Sevin envisage, bien avant le concile de Vatican II, l’ordination de diacres permanents. L’ensemble des qualités du R.P. Sevin a conduit le pape Benoit XVI à le proclamer Vénérable le 10 mai 2012, un premier pas dans le processus de béatification.
Le R.P. Sevin, un pont entre les mouvements de scoutisme catholique. Dans les années 1960-1970, le scoutisme catholique connaît plusieurs ruptures liées à l‘évolution générale de la société française et aux réformes pédagogiques engagées par les Scouts de France et les Guides de France, mouvement catholique de scoutisme féminin créé en 1923. De ces ruptures, naîtront les Guides et Scouts d’Europe (AGSE) qui concernent aujourd’hui 30 000 jeunes en France et les Scouts Unitaires de France (SUF) qui en touchent 28 000. Les Scouts et Guides de France (SGdF), nés en 2004 de la fusion des Scouts de France et des Guides de France, touchent de nos jours 77 000 jeunes. Ils illustrent l’existence de sensibilités différentes au sein de l’Église catholique qui reconnaît aujourd’hui ces trois mouvements. On compte également d’autres associations scoutes catholiques plus petites, comme les Scouts de Riaumont (fondés en 1966) ou les Europa Scouts (créés en 1986).
Si les relations entre ces trois grands mouvements ont été conflictuelles et tendues dans le passé, celles-ci se sont sensiblement améliorées surtout depuis le centenaire du scoutisme célébré en 2007, aux cotés des associations scoutes laïque (Éclaireuses et Éclaireurs de France), protestante (Éclaireuses et Éclaireurs unionistes de France), musulmane (Scouts Musulmans de France) et juive (Éclaireuses et Éclaireurs Israélites de France.)
Aujourd’hui, le R.P. Sevin reste un pont incontournable entre ces trois grands mouvements du scoutisme catholique français qui se réfèrent toujours à lui et à Baden-Powell.