Une question de Salut. À Cîteaux, il s’agit de vivre dans la fidélité aux promesses de la Règle. Saint Robert va quitter son abbaye florissante, installer la communauté à Cîteaux, puis laisser à ses deux successeurs le soin d’incarner durablement son intuition lorsque le Pape le renvoie reprendre la direction de Molesmes :
- Saint Albéric, deuxième abbé, 1099-1108. Il déplace Cîteaux à l’emplacement actuel au croisement de deux routes médiévales majeures, 25 km au sud de Dijon. Il lui donne les traits distinctifs dont la reconnaissance par Rome ainsi que l’exemption (indépendance par rapport à l’évêque local).
- Saint Étienne Harding, troisième abbé, 1109-1134. Il est le responsable de la première « industrie » de Cîteaux : le scriptorium (atelier de copie de manuscrits), réputé pour la qualité du texte biblique, objet de recherches critiques innovantes et de ses illustrations. Il accueille Bernard de Fontaines et ses compagnons, les forme au noviciat de Cîteaux, puis il envoie Bernard fonder Clairvaux (Aube). Ce dernier deviendra ainsi le saint Docteur de l’Église, Bernard de Clairvaux, qui assure encore aujourd’hui aux Cisterciens un rayonnement dans toute l’Europe.
Voici l’Œuvre de nos trois saints fondateurs :
1. Rééquilibrer la vie monastique par le retour à la Règle dans sa pureté originelle.
Cela passe par :
- Une prière commune à l’église de ceux qui cherchent Dieu : « On ne préfèrera rien à l’œuvre de Dieu » (Règle de saint Benoît (RB) 43, 3).
- Une prière personnelle autour de la Lectio Divina pour goûter la Parole de Dieu au quotidien : « On réservera certaines (heures) à la lecture » (RB 48, 1).
- Vivre du travail de ses mains pour être « vraiment moines » (RB 48, 1.8) et donc prophétiques. Les moines cisterciens sont à l’origine de grandes transformations du travail agricole et industriel au Moyen-Âge (granges, viticulture, moulins hydrauliques, foulons, forges, engrais).
- Une vie communautaire (RB 1, 2) pour une joyeuse ascèse qui libère pour aimer Dieu.
2. Un retour au désert dans un monachisme simplifié (1099-1113)
Le désert médiéval c’est… la forêt, qui représente plus de la moitié de la superficie de la France. Son but est d’être assez à l’écart pour préserver un seul à seul avec Dieu.
Le désert permet d’écouter le silence. Comme on peut voir les étoiles en plein jour, en descendant dans un puits, on peut « voir » Dieu en faisant silence dans son cœur.
Le désert permet de renforcer le besoin d’entraide mutuelle pour vivre dans des conditions difficiles.
Le désert permet de nouer des relations fraternelles forgées dans les épreuves, de susciter un corps solidaire : celui du Christ.
Le désert permet d’être tout à Dieu, libre des obligations sociales, des droits et devoirs de la vassalité, du souci de paraître…
Leurs choix sont une réaction à de nouvelles réalités :
- Travail manuel, surtout agricole et/ou de transformation (versus noblesse / écoles / villes)
- Équilibre de vie : travail, prière liturgique et personnelle (versus priants exclusifs – 1er Ordre)
- Retrait du Temps (versus activité paroissiale)
- Retrait / silence / contemplation (versus prédication / Parole / action)
- Vie cachée au creux des vallons perdus (versus collines)
- Austérité - simplicité - « pauvreté apostolique » (versus moines rentiers)
- Moines de chœur et frères lais, non clercs ni oblats (versus moines et ouvriers)
- Confédération d’abbayes autonomes (versus abbaye + filiales)
3. Une fraternité dans l’amour (1113-1153). Comment vivre l’expansion ?
La Charte de Charité. Essentiellement œuvre de saint Étienne Harding, elle exprime la volonté de s’aimer entre Frères partout dans le monde (1119-1154). Il s’agit d’assurer la fraternité entre les communautés malgré leur dispersion géographique, grâce à l’exemple la Règle de saint Benoît, reconnu de tous. Les moyens pour mettre en œuvre cet amour sont les suivants :
- La rencontre annuelle des abbés de chaque communauté pour définir la législation de l’Ordre.
- L’entraide des abbés pour leur vie spirituelle par la prière et l’entraide.
- La capacité à se reprendre mutuellement, corriger, sanctionner des comportements déplacés.
- La visite annuelle des monastères par leur maison fondatrice pour encourager, aider, corriger l’évolution des « Maisons Filles ».
- L’entraide en personnel et en moyens matériels en cas de besoin.
En à peine plus de 50 ans, l’idée devient projet ; puis comme un feu de ronces, 500 maisons de prière apparaissent, de la Lituanie au Portugal et de la Norvège à la Sicile.