Sainte Marguerite-Marie Alacoque.
Sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) n’a pas inventé la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, très ancienne dans l’histoire chrétienne. Mais les révélations surnaturelles de Paray au XVIIe siècle constituent une étape décisive dans l’essor de ce culte.
Marguerite Alacoque est le cinquième enfant d’une famille bourguignonne propriétaire de quelques biens, où personne ne souffre de la misère. Elle mène une vie de prière dès l’enfance. Peu avant son neuvième anniversaire, elle prononce son vœu de virginité : « Ô, mon Dieu, je vous consacre ma pureté et vous fais vœu de perpétuelle chasteté. »
De 1660 à 1664, Marguerite souffre de paralysies la contraignant à garder la chambre. Un jour, elle supplie la Vierge d’intercéder pour sa guérison et lui fait la promesse de devenir religieuse. Elle recouvre aussitôt la santé. Pour remercier la Mère de Dieu, elle ajoute « Marie » à son prénom de baptême avec l’autorisation de Mgr Jean de Maupéou (+ 1677), évêque de Chalon-sur-Saône.
À quand remontent ses premières révélations ? Marguerite-Marie a une première vision du Seigneur après la mort de son père. À cette époque, elle le voit en croix ou sous l’aspect de l’Ecce Homo. Mais à partir de 1665, la jeune fille oublie un peu son projet de vie. Elle va au bal ; son oraison s’attiédit. Pourtant, une nuit, tandis qu’elle rentre tard, elle aperçoit le Christ en train d’être flagellé ; ce jour-là, il lui fait prendre conscience de son infidélité.
Marguerite-Marie revient à la prière et à l’ascèse. À quelle porte vais-je frapper, s’interroge-t-elle ? Parvenue au couvent des Visitandines de Paray, elle entend une voix : « C’est ici que je te veux. » En novembre 1672, elle y prononce ses vœux perpétuels. Peu à peu, ses sœurs s’interrogent : Marguerite-Marie allègue visions et locutions célestes ; ne serait-elle pas une affabulatrice ? Une visionnaire ? Une sorcière ?
À la Saint-Jean de 1673, elle tombe en extase et participe au repas du « disciple bien-aimé », la tête posée sur la poitrine de Jésus. Le 27 décembre suivant, Jésus apparaît. Il lui dit : « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre. »
En juin 1675, c’est la « grande apparition » : la future sainte voit le Christ lui montrant son Cœur en prononçant ces mots : « Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes, jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart qu’ingratitude. »
Jésus demande alors à la sainte la fête du Sacré-Cœur : « Je te demande que le premier vendredi après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur. » C’est la « grande promesse » faite à la religieuse. « Mon divin Cœur est passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier », lui confie le Seigneur peu après. Marguerite-Marie sait alors qu’elle a reçu mission de faire connaître davantage le Sacré-Cœur. Le Christ la surnomme la « disciple bien-aimée du Cœur Sacré ».
Dieu lui demande la communion des premiers vendredis du mois ainsi que la pratique de « l’heure sainte » : le premier jeudi de chaque mois, de 23 heures à minuit, étendue sur le sol, face à la croix, le visage contre le sol, afin de partager la tristesse du Christ avant sa Passion.
Nous connaissons au moins deux autres visions de la sainte : un jour, tandis qu’elle va communier entre les mains de son directeur spirituel, le jésuite Claude La Colombière, futur répétiteur des fils de Colbert, supérieur du couvent de la Visitation de Paray et chapelain de l’épouse du roi Jacques II d’Angleterre, elle voit « trois cœurs » : un « grand » (celui de Jésus), uni à deux cœurs plus petits, ceux de Marguerite-Marie et de Claude. Le 2 juillet 1688, elle voit le Christ entouré de flammes, symbolisant le feu de son amour. La Vierge tourne son visage vers Marguerite-Marie et présente le Cœur de son Fils à saint François de Sales et à Claude La Colombière, ce « vrai et parfait ami », canonisé par Jean-Paul II en 1992. Cette vision est représentée sous l’aspect d’une fresque dans l’abside de l’église de Paray.
Une précieuse documentation sur ces faits est contenue dans les œuvres posthumes du Père La Colombière (1684). Le théologien y évoque pour la première fois les révélations faites à Marguerite-Marie qui, à cette date, est devenue maîtresse des novices.
La religieuse aurait reçu deux messages pour Louis XIV, les 17 juin et 28 août 1689, demandant au Roi-Soleil de consacrer la France au Sacré-Cœur et de coudre son image sur les drapeaux. En vain : le souverain ne répondit pas.
Les faits de Paray marquent un tournant dans l’histoire de la dévotion du Sacré-Cœur. Lorsque Marguerite-Marie est élevée sur les autels en 1920, le pape insère les « douze promesses » du Christ révélées en 1673 dans la bulle de canonisation.
Les pèlerins affluent au sanctuaire bourguignon. Dès 1689, la fête du Sacré-Cœur est célébrée à Dijon. Le 15 octobre 1714 débute l’enquête diocésaine pour la béatification de Marguerite-Marie. En 1721, Antoine-François de Montcley, évêque d’Autun, adapte cette fête dans tout son diocèse. Parallèlement, la sœur Anne-Madeline Rémusat et Mgr Henri François-Xavier de Belsunce, évêque de Marseille, placent le Sacré-Cœur au sommet de la spiritualité en demandant sa protection pendant l’épidémie de peste de 1720. Dans les années 1760, Rome reçoit des centaines de demandes pour que la fête du Sacré-Cœur soit étendue à l’Église entière. En 1765, le pape Clément XIII l’instaure en Pologne puis dans chaque diocèse français.
Le Sacré-Cœur émeut jusqu’à la cour de Versailles. Le Dauphin de France, fils de Louis XV, fait installer un autel dédié au Sacré-Cœur dans la chapelle du château.
Après la tourmente révolutionnaire, Pie IX étend ce culte à l’Église catholique (23 août 1856). En 1899, Léon XIII consacre l’humanité entière au Sacré-Cœur. Enfin, en janvier 1929, le Saint-Siège mentionne pour la première fois le lien étroit entre Paray et la dévotion au Sacré-Cœur (nouvel office liturgique).
En réalité, ce culte rendu au Cœur de Jésus existe bien avant le XVIIe siècle. Il tire son origine de l’épisode évangélique au cours duquel saint Jean repose sa tête sur le Cœur de Jésus lors de la Cène (Jean XIII, 23) ; ainsi, c’est lui qui élabore l’Évangile le plus spirituel. Jésus lui-même proclamait : « Je suis doux et humble de cœur » (Matthieu XI, 29). Après la crucifixion, le Cœur du Christ est percé par la lance du soldat et il en sort du sang et de l’eau (Jean XIX, 32-34) : même après sa mort, le Christ continue de se donner aux hommes, jusqu’à la dernière goutte de sang. Au cours du temps, saints et mystiques confessent leurs révélations reçues à ce sujet : sainte Catherine de Sienne, sainte Gertrude d’Hefta, Ludolphe le Chartreux, saint François de Sales…
En octobre 1672, saint Jean Eudes fait célébrer dans les couvents de sa congrégation une « messe du Sacré-Cœur », anticipant les faits de Paray au cours desquels le Ciel s’ouvre en faveur du monde. Son action spirituelle est poursuivie au XIXe siècle par une religieuse d’origine allemande, sœur Marie du Divin Cœur (+ 1899), de la congrégation du Bon-Pasteur, au Portugal.
Les douze promesses de Jésus transmises à sainte Marguerite-Marie à propos des âmes qui auront une dévotion pour le Sacré-Cœur :
1. Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires dans leur état.
2. Je mettrai la paix dans leur famille.
3. Je les consolerai dans toutes leurs peines.
4. Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.
5. Je répandrai d'abondantes bénédictions sur toutes leurs entreprises.
6. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l'océan infini de la miséricorde.
7. Les âmes tièdes deviendront ferventes.
8. Les âmes ferventes s'élèveront à une grande perfection.
9. Je bénirai même les maisons où l'image de mon Cœur sera exposée et honorée.
10. Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis.
11. Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom écrit dans mon Cœur, et il n'en sera jamais effacé.
12. Je te promets, dans l'excès de la miséricorde de mon Cœur, que mon amour tout puissant accordera à tous ceux qui communieront les premiers vendredis, neuf fois de suite, la grâce de la pénitence finale, qu'ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir les sacrements, et que mon Cœur se rendra leur asile assuré à cette heure dernière.