On raconte qu’un jour, il y a très longtemps, des bûcherons gaulois auraient découvert, dans le creux d’un chêne à Longpont, près de Montlhéry (91), à 25 km au sud-ouest de Paris, une statue de bois représentant une femme avec un enfant dans les bras. L’effigie était accompagnée d’une inscription latine mystérieuse pour les païens :
Virgini pariturae (« À la Vierge qui va enfanter »). Les druides auraient alors commencé à vénérer cette image de la déesse mère.
Plus tard saint Denis (+ 272) et son compagnon saint Yon, seraient passés par Longpont.
Ils expliquèrent alors aux druides comment la prophétie sur la Vierge s’était enfin réalisée avec la naissance du Christ. Celle que les Gaulois du bord de l’Orge vénéraient sans la connaître était bien la Vierge Marie, mère du Sauveur. Saint Yon serait resté sur place, où il aurait annoncé l’Évangile. Il aurait été décapité vers 290. Avant de partir pour Paris, saint Denis aurait laissé à Longpont une précieuse relique : un morceau du voile de la Sainte Vierge.
Une statue et une relique seraient donc à l’origine du sanctuaire de Notre Dame de Longpont.
Depuis ces origines, présence chrétienne et dévotion mariale n’ont jamais été démenties en ce haut lieu. Le sanctuaire est même devenu une grande étape sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle (via Turonensis, ou chemin de Tours).
Au tournant du XIe siècle, Longpont connaît un essor prodigieux.
Guy Ier, comte de Montlhéry, (+ vers 1095) et son épouse Hodierne entreprend la construction d’une église en lieu et place de la chapelle originelle. La première pierre est posée en 1031 en la fête de l’Annonciation (25 mars), en présence du roi Robert le Pieux et de l’évêque de Paris, Humbert de Vergy. Le chantier va durer 150 ans.Dès 1040, Geoffroy, nouvel évêque de Paris, confirme que le sanctuaire est « bâti et dédié en l’honneur de la Mère de Dieu ». En 1061, Guy Ier et son épouse, Hodierne de Gometz, obtiennent du puissant abbé de Cluny, saint Hugues, l’implantation d’un prieuré à Longpont. Vingt-deux moines s’y installent.
Hodierne est une figure marquante de la sainteté féminine au Moyen Âge.
L’Église ne l’a pas canonisée, mais ce fut une sainte femme qui prêta assistance aux personnes démunies et aux ouvriers du chantier de l’église, en transportant eau et ciment. Un jour, un forgeron, mal inspiré par son épouse, lui donne une tige de métal brûlant en guise d’instrument servant à porter les récipients d’eau. Mais un miracle se produit : elle ne sent rien. Depuis 1931, la « Croix rouge feu » est conservée au fond de la basilique.
En 1142, le roi Louis VII inaugure à Longpont une foire commerciale, fixée en septembre.
En 1155, le pape Eugène III confie au prieuré le service religieux de paroisses avoisinantes.
Le nombre des pèlerins croît. Les dons affluent. En 1200, un chroniqueur parle d’un « lieu de grande dévotion ». Un siècle plus tard, Longpont est devenu un centre spirituel majeur.
Au XIIe siècle, le clergé fonde une confrérie : les Frères de Notre-Dame de Longpont.
Leurs prérogatives et leurs devoirs sont étendus : secours aux pauvres, obsèques, etc. Au fil du temps, cette infrastructure devient une archiconfrérie et dépasse un millier de membres en 1747. Mise en sommeil en 1793, elle décline au XIXe siècle avant de ressusciter en 1851 sous le vocable de Confrérie de Notre-Dame de Bonne-Garde.
Le Saint-Siège et l’épiscopat portent aussi un bel intérêt au site. En 1665, l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, obtient du pape une bulle d’indulgence pour les pèlerins de Longpont. Le pape Alexandre VII accorde aussi la rémission des péchés aux fidèles qui entrent dans la confrérie après s’être confessés et avoir communié. Grégoire XVI puis Pie IX confirmeront toutes les indulgences antérieures.
Rois, princes, dignitaires de l’Église ou commun des mortels, tous s’y rendent en pèlerinage
Les XIIIe, XIVe et XVe siècles constituent l’époque glorieuse de Longpont.
Rois, princes, dignitaires de l’Église ou commun des mortels, tous s’y rendent en pèlerinage. Le futur saint Louis, sa sœur Isabelle de France, et leur mère Blanche de Castille, apprécient l’endroit. Les rois Louis VI, Louis VII, Philippe le Bel (1304 et 1308), Philippe VI, Charles VIII, François Ier s’y rendent aussi… Le fils de Philippe le Hardi, Louis de France, y effectue un séjour pieux. Saint Bernard y vient en 1131. Plus tard, Anne de Bretagne finance le chantier du portail de l’église. Quant à sainte Jeanne de Valois, fondatrice des Annonciades, elle place Longpont parmi les lieux spirituels majeurs. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, deux périodes de déclin sont suivies de deux restaurations de l’abbaye. Au XIXe siècle, le curé d’Ars n’eut pas le loisir de s’y rendre mais adhéra à la confrérie de Longpont. La princesse Eugénie de son côté offrit au sanctuaire une belle pièce d’étoffe.
Pendant la Révolution, les moines devront se disperser et les reliques seront cachées.
Le portail, déjà mutilé durant les guerres de religion, sera encore saccagé et la flèche de la croisée du transept abattue. Privée d’entretien, l’église de Longpont s’abîme terriblement dans les années qui suivent. Elle sera finalement amputée. Le chœur et le transept seront démolis en 1819. Seule la nef est laissée à la disposition des paroissiens.
A partir de 1843, un jeune et dynamique curé, l’abbé Auguste Arthaud, va réussir à relever l’église de ses ruines.L’abside et le transept seront totalement reconstruits entre 1875 et 1878. L’église de Longpont redeviendra alors un des plus grands lieux de pèlerinage marial de l’Ile-de-France (40 000 personnes par an avant 1914).
L’église sera érigée au rang de basilique le 6 avril 1913 par le pape Saint Pie X.
En 1969, Notre Dame de Bonne Garde est proclamée patronne du nouveau diocèse de Corbeil-Essonnes par Mgr Malbois, son premier évêque. Mgr Herbulot, son successeur veillera au rayonnement de Notre Dame de Longpont. La basilique est depuis le lieu de nombreux rassemblements diocésains et son reliquaire continue de se remplir.
ComplémentsUne des plus grandes collections de reliques en France.
Plus de 1.400 reliques sont réparties en des dizaines de chasses, bustes-reliquaires, monstrances, cadres et dans des centaines de médaillons. La nouvelle présentation du reliquaire de Longpont inaugurée en 2012 après agencement, nettoyage, classement, étiquetage a permis de constater que la collection s’est récemment enrichie de plusieurs dizaines de pièces. En nombre, c’est donc la plus importante collection de reliques conservées en France. Le fameux reliquaire de Saint Sernin que l’on présente souvent comme le « premier reliquaire de France » est, en fait, bien loin derrière quant au nombre de reliques même si la basilique toulousaine conserve de très belles châsses anciennes que nous ne trouvons pas à Longpont. Tous les chrétiens ne sont pas des inconditionnels des reliques, mais les reliques sont d’abord des restes humains et, à ce titre, elles méritent le respect. Ces restes sont, comme nos corps, mystérieusement promis à la résurrection. Les reliques nous mettent en relation avec ces frères et sœurs du Ciel. La simple évocation de leur nom est déjà un appel à mieux connaître leur vie. On visite le reliquaire comme on parcourt un album de famille. Ces pauvres ossements nous parlent du corps. La sainteté est passée par leur corps. Pour nous autres humains, le corps est toujours l’instrument de la relation. C’est par leur corps que ces saints ont parlé, prêché, aimé et fait le bien. C’est aussi leur corps qui a souffert, parfois jusqu’au martyre. Ces corps saints se sont nourris du Corps du Christ. Ils sont saints de la sainteté du Christ qui les a rendus, chacun à leur façon, semblables à Lui. Les Longipontains peuvent donc être fiers de ce trésor. A la basilique, on célèbre l’eucharistie, le corps du Christ, entre Marie et les saints du reliquaire. Ici, plus qu’ailleurs, la foi doit prendre corps. Le reliquaire est ouverte le dimanche de 14 h 30 à 17 h 45 et sur demande pour les groupes.
Parmi les reliques illustres de Longpont, la coupe de Saint-Macaire (moine égyptien du IVe siècle), offerte à l’église vers 1090, soulève un intérêt énorme. Au milieu du XIIe siècle, deux reliques exceptionnelles, sont mentionnées : un fragment de la ceinture de saint Pierre et surtout les « phylactères de la Vierge » : des fioles de verre contenant des petits morceaux du voile de Marie, qu’un récit légendaire place entre les mains de saint Denis au IIIe siècle. Des parties des corps de saint Côme, Damien, Eustache, Geneviève (patronne de Paris), Marcel, donnent à l’ensemble un attrait spirituel incomparable.L’abbé Auguste Arthaud a agrandi le dépôt des reliques. Un tube de cristal fermé par un sceau épiscopal sert de reliquaire aux fragments du voile et de la ceinture de la Vierge au sujet de laquelle un texte oriental, sur la Dormition, explique que saint Marc aurait reçu cet objet des mains de Dieu.
L'abbé Arthaud acquiert les reliques de saint Denis, Niçaise, Julien de Brioude (martyr du IIIe siècle), Ursule, etc. En 1865, un morceau de la Vraie Croix, accompagné d’un certificat d’authenticité, complète la collection. Parmi les pièces exceptionnelles, outre des reliques de saint Marc et de saint Luc, signalons deux parcelles de l’éponge et du roseau de Jésus préservées de la Passion. Tous ces reliquaires sont aujourd'hui classés parmi les Monuments historiques.
Les similitudes de Longpont et Chartres.
En 1609, une polémique naît au sujet de la Virgo Pariturae, suite à l’ouvrage de Sébastien Rouillard : La Parthénie ou l’histoire de la très auguste et dévote Église de Chartres dédiée par les vieux druides en l’honneur de la Vierge qui enfanterait...
Longpont et Chartres ne partageraient-ils pas une même origine ?
Effectivement, les deux lieux deviennent des endroits incontournables de la spiritualité chrétienne avant l’an mil, pour des raisons quasi-identiques :
- une dévotion mariale exceptionnelle ;
- un culte des reliques grandissant ; en 876, l’empereur Charles le Chauve cède un morceau de la chemise de la Vierge aux religieux de Chartres ;
- la présence de statues miraculeuses de la Vierge : celle de Notre-Dame-sous-Terre a certains traits des déesses-mères gauloises, Virgo Pariturae ;
- une proximité culturelle : l’évangélisation des druides est un tournant dans l’histoire des deux sanctuaires. Selon des chanoines de Chartres, la charpente de la cathédrale a été bâtie grâce à l’emploi de chênes de la forêt de Longpont. L’autel de la basilique dédiée à Notre-Dame de Bonne-Garde a été érigé à l’emplacement d’un ancien autel druidique ; une source d’eau, dite sacrée, était visible jusqu’en 1792.
- des récits de fondation communs : selon un récit invérifiable, Priscus, chef des Carnutes, serait devenu le fondateur de Chartres en y transportant la statue miraculeuse découverte dans le chêne...
Sources documentaires- Le Pèlerinage de Longpont, Versailles, Beau, 1869.
- Marius Ciboulet, Notre-Dame de Longpont. Architecture et ornementation, Etampes, Soleil natal, 1988.
- Sylvie Fainzang, « Suppliques à Notre-Dame de Bonne-Garde. Construire l’efficacité des prières de guérison », Archives des Sciences Sociales des Religions, 1991, n°73 (janvier-mars), p. 63-79.
- Jean-Jacques-Auguste Nicolas, Notre-Dame de Longpont. Le monastère, la basilique, les pèlerinages, l’archiconfrérie, les reliques, Paris, Imprimerie de P. Féron-Vrau, 1914.
- Marcel Reale, Histoire de la basilique de Notre-Dame de Bonne Garde, plus ancien sanctuaire marial de la région parisienne, Étampes, Soleil natal, 1988.
- Id., Reliquaire de la basilique de Longpont, Étampes Soleil natal, 1989.